dimanche 30 mars 2008

Le bonheur est dans le prêt


Il paraît que "les agents économiques maximisent leur bien-être et celui de leurs proches, à moindre coût pour eux": c'est le pilier de la micro-économie, sur leLquel s'appuient la plupart des théories... Un peu faiblard comme pilier si j'en crois ces deux études:

A New York, les Diplomates des Nations-Unies bénéficient de l'immunité diplomatique et -porte où à Manhattan en toute impunité, les veinards, ils peuvent donc stationner n'importe où. Des chercheurs américains (par pure jalousie?) ont épluché leurs 150 000 contraventions accumulées entre 1995 et 2005 pour déterminer quelles nationalités en profitaient et lesquelles respectaient malgré tout la loi. Sur le podium, les scandinaves et les anglo-saxons raflent toutes les médailles de l'honnêteté, avec zéro contravention sur toutes ces années. Au fond du classement, on retrouve la plupart des nations championnes de la corruption du Maghreb, d'Afrique ou du Moyen-Orient avec pour lanterne rouge, le Koweit. Ce classement suggère que les individus intériorisent les normes sociales de leur pays d'origine et y calent leur comportement même si leur environnement change complètement. Par ailleurs les chercheurs ont remarqué que la propension à enfreindre la loi chez ces diplomates était fortement corrélée à l'hostilité de leur pays vis-à-vis des Etats-Unis comme si collectionner les PV était une marque de défiance culturelle vis-à-vis de l'oncle Sam. A l'inverse, le nombre de contrevenants a fortement chuté après les attentats du 11 septembre 2001, comme si les diplomates souhaitaient faire "acte de civisme" et marquer symboliquement leur attachement au système légal américain. On est loin, très loin même de la simple "maximisation du bien-être personnel"...

Certes l'argent ne fait pas le bonheur (quand on en a assez pour vivre dignement), par contre savoir le dépenser peut y contribuer: une étude publiée dans Science suggère que le bonheur individuel dans nos sociétés occidentales augmenterait avec l'altruisme: un sondage fait auprès de 632 américains, indique que les gens au comportement altruiste sont plus heureux que les autres. Mais comment savoir si leur bonheur est la cause ou la conséquence de leur altruisme? Pour le savoir, une chercheuse américaine Elizabeth Dunn, a donné de l'argent à 150 étudiants d'un campus. A certains elle a demandé de dépenser l'argent comme bon leur semblait et la plupart ont choisi de le dépenser égoïstement. Au deuxième groupe d'étudiants elle demanda de le dépenser pour faire plaisir à d'autres personnes. Après coup, ce dernier groupe d'étudiants, contraints à la générosité, a finalement montré plus de satisfaction que ceux laissés libres de dépenser leur argent à leur guise. Ce résultat est un beau pied de nez à l'homo economicus: d'une part cet altruisme totalement désintéressé n'a pas grand chose à voir avec la "maximisation de son bien-être". Mais surtout il prouve qu'on n'a pas toujours conscience soi-même de ce qui va faire son propre bonheur.


Contrairement au sens commun, ces exemples illustrent à quel point le libre-choix-au-service-de-son-intérêt-personnel est impuissant à expliquer les ressorts profonds du comportement de notre homo complexicus. Alors que la culture ambiante du développement personnel prend pour modèle l'atteinte de ses objectifs personnels, Daniel Todd Gilbert montre qu'au contraire nous passons notre temps à nous raconter des salades sur ce qui va faire notre propre bonheur. Un peu comme le personnage de Balthazar Balsan -dans le livre-film d'Eric-Emmanuel Shmitt, Odette Toulemonde- qui poursuit (en vain) son bonheur comme on fait sa liste de course. Il lui est opposé le personnage d'Odette, une femme modeste, veuve à la quarantaine maladroite, que rien ne prédestine au bonheur si ce n'est sa faculté de saisir la magie de l'instant, le charme de l'imprévu. Et surtout sa capacité à ne pas se raconter d'histoire sur ce qui la rendra "vraiment heureuse" un jour. Car il serait évidemment illusoire de prétendre savoir ce qui demain nous rendra vraiment heureux...

mercredi 26 mars 2008

Vraiment sans gène

Expliquer nos goûts et nos couleurs grâce à la génétique semble être la nouvelle marotte des chercheurs en psycho. L'interprétation en termes "d'avantage évolutif" de nos préférences a remplacé le complexe d'Oedipe des psychanalystes pour comprendre notre inconscient. Au prix d'hypothèses farfelues dont le magazine Cerveau et Psycho - que je recommande par ailleurs- se fait régulièrement l'écho. Jugez-en plutôt...

Les individus aux longues jambes vous semblent plus séduisants? Ne dites pas non, Sorokowski et Pawlowski l'ont démontré dans ce très scientifique article de Evolution and Human Behavior. C'est sans doute parce que ces longues jambes devaient assurer de meilleures chances de survie pour nos ancêtres. Pas trop longues tout de même (5% de plus que la moyenne, pas plus), probablement car de trop longues jambes sont un signe d'immaturité sexuelle ou de maladies génétiques...

Messieurs, vous préférez les blondes, c'est maintenant prouvé: même si 45% d'entre vous prétendent le contraire, vous êtes statistiquement plus généreux en pourboires pour les serveuses blondes et vous arrêtez plus volontiers pour des autostoppeuses blondes que pour des brunes ou des rousses. Pour comprendre ce phénomène, on a présenté à des hommes les photos de femmes dont on changeait la couleur des cheveux. Bingo! Les visages dont la chevelure avait été retouchée en blond ont été jugés plus jeunes, plus attirants, en meilleure santé... Et nos chercheurs en concluent que la couleur blonde des cheveux agit comme indice de jeunesse biologique (les cheveux des enfants foncent avec l'âge) donc de fécondité, expliquant ainsi l'attrait instinctif des hommes en quête de succès reproductif. CQFD.

Hmm.... Il y a quelque chose qui cloche là dedans: si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, la couleur claire des cheveux devrait être plutôt un indice d'immaturité sexuelle car les cheveux des enfants foncent bien avant leur puberté. Des cheveux clairs devraient être rejetés au même titre que des jambes trop longues. Par ailleurs, il suffit de regarder vers le sud pour se rassurer sur le niveau de fécondité des brunes par rapport à celui des blondes.

On peut surtout supposer que la sur-représentation médiatique des blondes (par rapport à la population blanche) ait imposé "la blonde à longues jambes" comme canon de beauté collectif et explique l'association inconsciente "blonde = jeune et sexy" que l'expérience a mis en évidence.

Ces critères collectifs de beauté évoluent dans le temps (jadis on préférait les femmes bien en chair) et selon les cultures. Or cette variation des goûts serait absolument inexplicable s'ils étaient hérités d'un lointain avantage évolutif.

Si -comme ces chercheurs s'acharnent à vouloir le démontrer- nos goûts sexuels étaient conditionnés par l'intérêt reproductif de nos aïeux, nous devrions avoir des top models petites (pour protéger notre progéniture), poilues (pour résister au froid), avec de grandes dents (signe de santé) et de grandes oreilles (signes de vigilance). On comprend maintenant la relation ambigue de Tarzan et Cheetah...



Pour finir de tordre le cou aux idées reçues en matière de déterminisme génétique, on a déjà évoqué ici de nombreuses preuves de mimétisme culturel chez les animaux. Mais les gènes eux-mêmes sont tributaires de leur environnement: il n'y a dans une colonie de fourmis ou d'abeilles, rigoureusement aucune différence génétique entre une reine, un mâle et une ouvrière, malgré d'impressionnantes différences morphologiques. C'est un régime alimentaire spécifique ou des conditions de température particulières - bref l'environnement- qui expliquent ces différences physiologiques.

Idem chez les vertébrés: le sexe des tortues et des crocodiles est déterminé par les conditions de température de l'incubation des oeufs et pas leur patrimoine génétique. Encore plus proche de nous: on sait maintenant que les vrais jumeaux (dont l'ADN est identique) développent certaines différences morphologiques, surtout après avoir passé de nombreuses années dans des environnements très différents. Le chercheur espagnol Mario Fraga a montré comment des conditions de vie modifient sensiblement le mode d'activation du matériel génétique chez les jumeaux monozygotes au cours de leur vie. On explique ainsi que l'un puisse développer une maladie génétique et l'autre pas, ou beaucoup plus tard.

A mesure que l'on décortique l'horlogerie des comportements et du cerveau, je trouve presque rassurant que l'on découvre en parallèle l'immense influence de l'environnement sur cette mécanique biologique. A défaut de libre-arbitre il nous reste le hasard et notre environnement, c'est toujours ça!

dimanche 9 mars 2008

Maires d'alors...

(ci-contre: la plus petite mairie française, paraît-il).

Soirée d'élections municipales oblige, petit florilège tiré pour l'essentiel de Wikipedia sur nos belles communes.

Vous le savez tous, la France est championne toutes catégories en nombre de communes (derrière la Chine peut-être, je n'ai pas réussi à trouver l'info): 36 782, soit plus que les Etats-Unis (moins de 36 000) et un tiers du total des communes de toute l'Union (97 000).

Il faut remercier Mirabeau pour ce record. Sous l'Ancien Régime il existait environ 60 000 paroisses, en charge de tenir le registre des baptêmes, des mariages et des décès. Pour le reste, la France de 1789 est un "agrégat in-constitu de peuples désunis" selon le mot de Mirabeau: dûchés, comtés, baillages, sénéchaussées, villes franches s'enchevêtrent sans logique, au gré des coutumes locales remontant parfois jusqu'au Moyen-Age. Comment organiser tout ça? Deux conceptions s'affrontent à l'Assemblée Nationale : Thouret, Sieyès et Condorcet, souhaitent découper le territoire en départements carrés de 18 lieues de côté chacun, divisés en neuf communes chacun, divisées en neuf cantons chacune. Ca semble rationnel et surtout ça permet d'avoir des communes suffisamment grandes pour être viables. Mais Mirabeau craint justement que de si grandes communes ne menacent l'autorité du pouvoir central et défend - c'est paradoxal pour un Jacobin - le particularisme local et le droit de chaque paroisse à s'autogérer.

Exit donc le projet de découpage en beaux carrés égaux. Chaque paroisse constituera une commune, sauf les plus petites et celles qui font manifestement partie d'une même ville et qui pourront se regrouper: voilà pourquoi on n'a créé que 40 000 communes et pas 60 000. C'est cette origine paroissiale qui explique que plus de 4000 communes soient aujourd'hui encore des Saint(e)-quelque chose.

Depuis la Révolution Française, ce découpage n'a pratiquement pas changé. Simplement les plus rurales se sont vidées peu à peu de leurs habitants et près de 90% de nos communes comptent maintenant moins de deux mille habitants: à titre de comparaison la médiane en Belgique est de onze mille habitants par commune et de plus de cinq mille en Espagne. A l'inverse les grandes villes se sont agrandies bien au-delà de leur périmètre institutionnel: la commune de Lyon par exemple ne compte que 470 000 habitants alors que c'est l'équivalent économique de Munich dont la commune (Gemeinde) pèse 1 300 000 habitants. Seul Paris a vu ses limites un peu adaptées, mais son aire urbaine couvre quand même près de quatre cents communes: il reste du chemin!

A titre de comparaison, les autres pays d'Europe sont souvent passées par la même histoire mais ont en général réussi à regrouper leurs communes pour qu'elles aient une taille suffisante: l'Allemagne est ainsi passée de 24 000 Gemeinden à moins de 9000 dans les années 1970... L'Italie et l'Espagne ne comptent que 8000 communes. En France nous avons également rationalisé en passant de 40 000 à 36 000 communes (en 200 ans).

Sachez que la commune qui a le nom le plus petit est Y (Somme, 89 habitants). Celle dont le nom est le plus long est Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson (Marne, 592 habitants): 45 signes, record à battre!

Il y a une commune d'un seul habitant: Rochefourchat (Drome) , et deux communes (Leménil-Mitry en Meurthe-et-Moselle et Rouvroy-Ripont dans la Marne) qui n'en ont que deux. Il y a en même six qui n'en comptent carrément aucun (Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre). Ne ricanez pas: ces communes "mortes pour la France" ont été rasées pendant la bataille de Verdun. On conserve en leur honneur un conseil municipal nommé par le préfet de la Meuse...

Le site habitants.fr vous apprendra que les habitants de St-Chamessy en Dordogne s'appellent les Eumacois, que ceux de Puy-St-Vincent (Htes Alpes) sont les Traversouilles et ceux de Chêne-Arnoult (Yonne) les Quersusarnuliens. Déception tout de même: ceux de Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson s'appellent les Bouzemontois, tout simplement.

samedi 8 mars 2008

Six choses insignifiantes

Toc! Emmanuel m'ayant aimablement convié à raconter "six choses insignifiantes que vous ignorez de moi", je m'y colle. Et vous n'êtes pas obligé de lire, hein.

Avertissement et mentions légales précisés, voici donc ces six trucs sans importance sur moi, que vous ignoriez à juste titre:

1. J'ai enregistré le jingle d'une émission du soir pour Itaparica FM.

2. Je sais bouger mes deux oreilles (ensemble) mais seule la base de mon pouce gauche peut se déboiter toute seule- pas mon pouce droit, allez savoir pourquoi.

3. J'ai toréé une vachette dans une arène à Mexico.

4. Je peux rester des heures debout et en silence auprès d'un pêcheur qui n'attrape rien.

5. Je me suis endormi un jour à l'intérieur d'un tank lancé à pleine vitesse, ma tête (protégée de son casque) cognant allègrement dans l'habitacle au gré des cahots d'une piste défoncée.

6. J'ai nettoyé les mangeoires d'une batterie de poulets au milieu du Neguev.

Hop! Je passe le relais à 6 victimes que j'apprécie particulièrement:
- Eric, pour qu'il rentre de ses sports d'hiver et raconte ses états d'âme,
- Patrice Lanoy, dont le complot des papillons m'émerveille si souvent,
- Miss Celaneus qui me fait rire depuis son Brésil lointain,
- Tom Roud que je lis avec plaisir,
- Eric C. un autre Eric, lui aussi chasseur de curiosité,
- Benjamin qui sait parler brillamment d'autre chose que de bactéries.

mardi 4 mars 2008

Schizophrénie, chatouilles et prémonition

Suite de la discussion autour du post de Benjamin, sur l'impossibilité de se chatouiller soi-même. Cette curieuse insensibilité ne s'explique pas par l'absence d'un alter-ego social, puisqu'un robot peut être tout aussi chatouilleur qu'un individu espiègle.

Pour comprendre cette bizarrerie naturelle, il faut admettre que notre cerveau anticipe les conséquences y compris sensorielles de nos propres mouvements. Juste avant que nos doigts n'entrent en contact avec la partie sensible de notre épiderme, tout se passe comme si le cerveau simulait intérieurement ce contact et les sensations qu'il produira dans notre corps. Au moment du contact, nos cellules sensorielles sont du coup déjà "averties" du contact et désensibilisées dans une large mesure. Bref les guilis sont sans effet.

Au moyen d'une expérimentation simple, où le patient se chatouille lui-même la main par l'intermédiaire d'un dispositif mécanique, on montre que plus le cerveau prévoit correctement le lieu et le moment exact de la chatouille, moins il y est sensible. A l'inverse, si son anticipation est mise en échec, la chatouille est irrésistible.

Autrement dit, l'intensité de la chatouille viendrait de l'écart entre l'effet sensoriel réel et prédit. Ce qui est valable pour la chatouille l'est aussi pour la douleur: c'est sans doute la raison pour laquelle il est moins pénible de s'arracher un sparadrap soi-même plutôt que par quelqu'un d'autre.

Notre capacité à annuler les sensations prévisibles explique aussi que l'on s'habitue très vite à toutes les sensations:
- un goût permanent s'étiole: celui du clou de girofle après une opération dentaire par exemple,
- une odeur, un parfum ne se sent pas longtemps avec intensité, au point que même consciemment on ne peut sentir sa propre odeur,
- un bruit régulier comme le tic-tac du réveil ou la pluie qui tombe ne s'entend plus, sauf à se concentrer pour l'écouter.

Cette capacité à inhiber les sensations prévisibles permet à notre cerveau de se concentrer sur les sensations non prévisibles afin d'y adapter ses réactions. Autrement dit nous ne sentons pas les sensations prévisibles et les traitons en mode "automatique" (l'odeur habituel de mon appartement) afin d'être plus réactif à l'inattendu (une odeur de gaz). Ce qui est vrai des sensations l'est bien sûr des mouvements: c'est ainsi que l'on calibre exactement la force nécessaire pour soulever une bouteille en anticipant son poids.

Certains chercheurs vont plus loin et voient dans cet accord parfait entre prédiction et sensation une possible définition de la conscience de soi. Autrement dit, ce n'est pas parce que c'est moi qui fais un mouvement que je le prédis correctement (et que mes chatouilles ne me font rien), mais à l'inverse c'est parce que ce mouvement est très correctement prédit que je l'attribue comme mien. Et l'on observe que les malades atteints de schizophrénie éprouvent précisément des difficultés à distinguer leurs propres mouvements et des mouvements extérieurs. Bref, si vous vous chatouillez tout seul un petit passage par le psy vous est chaleureusement recommandé.

Le processus cérébral à l'œuvre dans le déclenchement d'une action volontaire est encore plus surprenant. En 1983, le chercheur américain Benjamin Libet a montré avec une expérience simple que lorsqu'un individu décide de faire une action -bouger un doigt par exemple, sa décision consciente intervient quelques centaines de millisecondes après l'activation des zones du cerveau dédiées au mouvement. Autrement dit, contrairement au sens commun, la prise de décision interviendrait après que l'action soit engagée dans le cerveau: de là à renvoyer le libre-arbitre individuel au rayon des chimères cérébrales et à consacrer la toute puissance du cerveau, il n'y avait qu'un pas à franchir et l'article a suscité une belle polémique.

Hmmm, je vous vois sceptique: comment la conscience d'une sensation - un bruit par exemple- pourrait-elle précéder la perception physiologie elle-même, puisqu'elle en est la conséquence? Il y a bien une situation qui me semble l'illustrer parfaitement, mais n'étant pas neurologue je sollicite votre indulgence s'il s'avère que j'avance une ânerie. N'avez vous jamais été réveillé la nuit par un bruit soudain, un objet qui tombe par exemple, une fraction de seconde avant de l'entendre? Ou bien, si vous ne vous réveillez pas, n'avez-vous pas eu ensuite le souvenir très précis que le scénario du rêve intégrait parfaitement ce bruit, alors qu'il était tout à fait inattendu. Comme si votre rêve avait anticipé cet événement et s'y était adapté pour lui donner chronologiquement une place logique (par exemple, que vous attendiez justement une voiture avant qu'elle n'arrive vers vous et vous klaxonne)? Je suppose -avec prudence- qu'en réalité le cerveau prend conscience du bruit une fraction de seconde avant de le transformer en sensation auditive et utilise ce petit laps de temps pour modifier l'histoire du rêve afin que le bruit puisse s'y insérer logiquement.

Bon, c'est un peu "back to the future" comme interprétation, mais après tout peut-être explique-t-on ainsi certaines prémonitions ou sentiments de déjà-vu. Et qu'au cinéma le héros se réveille toujours une fraction de seconde avant que le gangster ne lui balance son coup de couteau? Vous voilà rassurés sur le sort de votre héros: vous pouvez reprendre vos exercices d'auto-chatouilles...


Références:
Daniel M. Wolpert and J. Randall Flanagan: Motor prediction, Current Biology, Vol 11, R729-R732, 18 September 2001

Sarah-J. Blakemore: Spatio-Temporal Prediction Modulates the Perception of Self-Produced Stimuli, September 1999, Vol. 11, No. 5, Pages 551-559

Frith C., Blakemore S., Wolpert D. (2000), Explaining the symptoms of schizophrenia: abnormalities in the awareness of action, Brain research review, 31, 357-363

Benjamin Livet, Curtis A. Gleason, Elwood W. Wright, Dennis K Pearl: Time of conscious intention to act in relation ton onset of cerebral activity (readiness-potential) The unconscious initiation of a freely voluntary act,
Brain, Vol. 106, No. 3, 623-642, 1983